Rabelais - Les moutons de Panurge
Un homme nommé Panurge se trouvait à bord d’un navire en pleine mer. Sur ce même bateau voyageait un marchand de moutons nommé Dindenault, accompagné de son troupeau destiné à la vente.
Dindenault était un commerçant cupide, l'incarnation même de l’avidité et du manque d’humanité.
Mais contre toute attente, Panurge saisit fermement l’animal par les cornes, le traîna jusqu’au bord du navire et le jeta à la mer. Aussitôt, un autre mouton le suivit, puis un troisième, un quatrième… En quelques instants, tout le troupeau se rua vers l’eau, plongeant aveuglément dans l’abîme sous les yeux horrifiés du marchand.
Dindenault, pris de panique, tenta désespérément d’empêcher les bêtes restantes de sauter, mais rien n’y fit : leur instinct grégaire était plus fort que toute résistance.
Poussé par la cupidité et l’espoir de sauver au moins un mouton, Dindenault s’accrocha au dernier survivant. Mais celui-ci, déterminé à suivre ses semblables, l’entraîna avec lui. Ainsi, le marchand et son troupeau périrent ensemble, engloutis par les flots.
De cette histoire est né l'expression "les moutons de Panurge", qui désigne ceux qui suivent aveuglément la masse, sans réflexion ni volonté propre.
La leçon de cette fable ?
Il n’y a rien de plus dangereux pour une société que l’esprit de troupeau. Trop souvent, nous voyons des foules répéter des paroles ou imiter des comportements simplement parce qu’elles les ont vus ou entendus ailleurs.
Dieu nous a donné deux armes précieuses : la raison et la liberté. À nous de nous en servir pour fixer nos propres objectifs et choisir librement les moyens de les atteindre. Si nous abandonnons ces dons, nous devenons des esclaves aveugles, accomplissant les desseins des autres au lieu des nôtres.
François Rabelais, Gargantua et Pantagruel (XVIe siècle).
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